- C'est une invasion, votre majesté!
- Du calme, mon bon ami.
- Du temps de votre père, la réponse aurait été ferme et claire. Il faut que ces sauvages de l'est comprennent qu'on ne peut disposer ainsi du Dorwinion. De plus, il me semblait...
- Lilain.
Le roi avait parlé sans hausser le ton, mais cela suffit à faire taire son interlocuteur. Etant placé face à la fenêtre, le regard tourné vers le port de Riavod, Bladorthin ne put voir la réaction du général Lilain, mais il aurait pu la deviner. Le roi se tourna vers son vieil ami en souriant:
- L'époque de mon père est révolue, Lilain. La dernière guerre contre les orientaux remonte à bien avant ma naissance. De l'eau à coulé dans le Carnen depuis, non?
- Avant votre naissance, c'est vrai. Quant à moi, j'ai pourtant le souvenir d'une lance d'oriental qui s'enfonçait dans ma cuisse. Et je serais mort si votre père, qu'il repose en paix, m'avait pas porté sur son dos. Faudrait-il que j'oublie tout cela?
- Je ne te demande pas d'oublier, mon ami, mais simplement de te tourner vers l'avenir.
- Je pourais y consentir pour vous, mon roi, si les Orientaux faisaient de même. Or ce n'est pas le cas ! Le navire qui mouille dans le port est chargé de soldats. Quels genres de marchands enverraient des soldats pour entamer des négociations commerciales?
Le roi sourit encore, légèrement amusé de la réaction du vieux conseiller. Lilain avait déjà servis son père avant lui. Il était le général le plus expérimenté du royaume, mais aussi un homme sage et apprécié de tous. Le genre de conseillers parfaits pour un roi comme Baldorthin qui passait le plus clair de son temps à gérer ses propres vignobles. Ce roi n'était ni un belliqueux ni un ambitieux, il aimait au contraire de satisfaire des petits plaisirs de la vie. Que demander de plus ?
Un navire était arrivé ce jour-là, transportant certes des soldats, mais aussi un messager et une missive prometteuse. L'interlocutrice semblait habile, tant elle avait vantée les mérites des raisins de Bladorthin. Il n'en fallait pas plus pour embraser son intérêt. Avant même que Lilain ne mette un pied dans la salle, le roi avait d'or et déjà prit sa décision. Il l'annonça à son conseiller:
- Fais porter ma réponse au message oriental, qu'il court prévenir sa maîtresse. Je recevrai la dénommée Meldara, dirigeante de Kugavod. Qu'elle se présente à l'entrée de Riavod avant une escorte raisonnable, mais qui corresponde à son rang. Elle sera reçue avec les honneurs qu'elle mérite. Va Lilain!
Le vieux conseiller s'en alla prévenir les Orientaux, mais non sans râler avec abondance bien entendu.